La maternité tu y penses. “Ohh un beau petit bébé à câliner et dorloter, pourquoi pas!”. Cela semble être un processus assez linéaire. Tu veux un bébé, tu fais un bébé, tu accouches. Fin de l’histoire ou plutôt “Et maman et bébé vécurent heureux malgré les nuits sans sommeil”.
En France, le modèle: Mariage/Pacs, maison, chien, bébé est toujours bien placé. La femme qui attend un enfant est donc particulièrement chouchoutée. On lui dit de ne rien soulever de lourd, des caisses lui sont dédiées au supermarché, des places de parking et dans les transports en commun, lui sont réservées. Elle a droit à un suivi médical appuyé mois après mois, comprenant des dépistages divers et varié. Elle est scrutée, pesée, contrôlée.
Puis, pouf! Après 9 mois de suivi, plus rien! Enfin si, un petit rendez-vous de “contrôle”, 6 semaines après l’accouchement et voilà! Pour l’anecdote, ce dont je me rappelle de ce rendez-vous c’est “Bon là, il va sérieusement penser à reprendre les relations sexuelles, il faut assouplir ce périnée!!!” (ok)
D’importants chamboulements pointent leur nez juste APRÈS l’accouchement. Le plus évident étant l’arrivée… du bébé !
Lydie ma super sage-femme/conseillère en lactation a bien voulu répondre à quelques questions.
Salut Lydie, ces dernières années on entend un peu plus parler du post-partum et de l’importance d’en parler mais…
1. Le post-partum c’est quoi? C’est différent du 4ème trimestre?
Le mot post-partum signifie “après l’accouchement”, la parturition étant l’accouchement. Donc le post-partum se rapporte à tout ce qui a lieu après l’accouchement, pas forcément immédiatement après. Communément, il est cependant admis que le post-partum est une période qui va de l’accouchement jusqu’au retour de couches (moment où les menstruations refont leur apparition).
Il faut distinguer le post-partum et les suites de couches.
On appelle “suites de couches”, les premiers jours qui suivent l’accouchement. On parle du service de suite de couche pour parler du service où les mères et les bébés sont hospitalisés après la naissance. C’est le post-partum immédiat.
Puis vient la période du post-partum secondaire. Cette période durera plus au moins longtemps selon la personne et le vécu d’après grossesse.
On parle par contre de plus en plus d’un “4ème trimestre”, un concept évoqué par Jean Liedloff dans son essai “Le concept du continuum” (1975). Pour Liedloff, il est nécessaire de conserver le contact physique mère-enfant jusqu’à ce que l’enfant s’en détache seul (quelques années plus tard). Pour étayer ses dires elle se base sur son vécu dans la jungle amazonienne au contact de tribus (les Yekwanas et les Sanemas). C’est de cette pensée que découle le maternage proximal avec le portage en écharpe, le cododo etc.
2. Que se passe t-il pendant le post-partum?
C’est une période d’adaptation au bouleversement que produit l’arrivée d’un bébé. De nombreuses choses se mettent en place et cela s’observe sur le corps et sa chimie, mais aussi au niveau psychologique.
Que se passe t-il dans mon corps?
Lors d’un accouchement par voie basse ou par césarienne, le corps va avoir besoin d’un certain laps de temps pour s’adapter à son nouvel état.
La première chose qu’il faut savoir, c’est que le ventre ne reprend pas son aspect pré-grossesse immédiatement après l’accouchement. Un ventre de femme enceinte de 4-5 mois est tout à fait normal après une naissance. Bébé est né mais l’utérus doit encore involuer, c’est à dire revenir à sa place parfois avec des douleurs. Ce sont les “tranchées”, qui s’apparentent à des contractions.
Il faut aussi s’attendre aux “lochies” qui sont des saignements importants post-accouchement comme des règles abondantes les premiers jours puis des saignements moindre de type “spotting” qui peuvent durer jusqu’à 6-7 semaines. Pourquoi? Pendant la grossesse, le volume sanguin a augmenté de 50% pour approvisionner bébé. Le corps n’en a maintenant plus besoin. Les paramètres sanguins de la mère se régulent. En parallèle, le placenta s’est aussi détaché de la paroi utérine, il faut laisser le temps à la plaie de cicatriser.
Le périnée est relâché, la sangle abdominale doit se refaire, les sutures doivent guérir et tout ça, ça prend du temps.
Quel est le rôle des hormones dans tout ça?
15-20 minutes après la naissance, le placenta est expulsé. C’est ce qu’on appelle la délivrance. Elle sonne la fin de l’accouchement.
Le placenta était responsable de la production des hormones de grossesse. Donc les hormones de grossesse chutent. Cette chute d’hormones peut-être responsable d’une sensibilité émotionnelle accrue. C’est le fameux baby-blues. Concrètement, cela se traduit par “je pleure mais je ne sais pas pourquoi”.
La prolactine va être libérée suite à cette chute d’hormones, trois jours environ après l’accouchement. C’est l’hormone qui est responsable de la production du lait. La “montée de lait” apparaît, c’est à dire que la production du lait est libérée. Cette production de lait va s’adapter à la demande du bébé. Donc, plus il tète (ou si la maman exprime le lait manuellement ou à l’aide d’un tire-lait), plus la production de lait va être importante. La prolactine est produite de manière cyclique sur 24h avec un pic vers 4 à 6h du matin.
L’ocytocine est une autre hormone fascinante. Elle a déjà joué un rôle au moment de l’accouchement en provoquant les contractions. C’est elle qui permet l’éjection du lait au cours de l’allaitement. Elle marque à vie le cerveau de la maman pour qu’elle soit préoccupée par son bébé. Elle unit la mère et le bébé parce qu’elle permet un échange de bien-être, un cercle vertueux de la relation. Cette hormone est produite lors du peau à peau, lors de l’allaitement, lors du portage, lors des échanges d’affection avec bébé (ex: quand la mère regarde,entend son bébé ou pense simplement à lui). C’est l’hormone de l’amour.
La progestérone est présente à un niveau élevé dans le corps de la mère, au cours du post-partum, et durant toute la durée de l’allaitement. Cela va induire une température de base plus élevée, parfois des bouffées de chaleur similaires à celles ressenties à la ménopause et un tonus moindre des muscles du périnée. Après un certain temps, (variable selon que la mère allaite ou non), le corps va essayer de retrouver sa fertilité. De nouveau changements hormonaux peuvent être à nouveau ressentis exacerbant la sensibilité émotionnelle.
Que se passe t-il dans ma tête?
Comme on vient de le voir, les hormones jouent un rôle important dans l’état général de la jeune maman. Elle peut ressentir un “baby blues”. Il survient souvent autour de trois jours après l’accouchement et peut durer quelques jours. Il ne nécessite pas de traitement. La chute des hormones rend la mère plus intuitive envers son bébé, elle lui permet de ressentir davantage ce que bébé ressent pour adapter ses soins. Bébé ressent plein d’émotions mais ne rationalise rien et il est limité dans l’expression de ses besoins. Quand tout se passe bien, la jeune mère se préoccupe normalement davantage de son bébé que de son propre intérêt.
La dépression du post-partum survient souvent après 4 mois. Les causes peuvent être multiples et cumulées comme des prédispositions à la dépression (prédisposition familiale, ou antécédents de dépression), un passé affectif douloureux, un vécu de violences, un vécu de grossesse difficile, un vécu d’accouchement traumatisant, des difficultés dans le démarrage du lien affectif avec bébé. Il pourra être nécessaire de prendre un traitement médicamenteux pour passer cette étape.
Il peut être difficile de se retrouver du jour au lendemain à charge d’un nouveau né, 24h sur 24, et se dire que l’on est responsable de sa santé, son bien-être, son développement. Il ne faut jamais hésiter à demander de l’aide. Ce n’est pas une marque de faiblesse, nous sommes des êtres sociaux et avons besoin d’être entourés. Particulièrement lors de bouleversements importants.
3. Vers qui puis-je me tourner si j’ai des questions? Quelles sont les différentes prises en charge possibles?
La sage-femme est le professionnel qui pourra répondre à un maximum de questions. Parfois elle référera à un médecin, un psychologue, ou un gynécologue selon la situation
La PMI (protection maternelle et infantile) est spécialisée dans le suivi des enfants de 0 à 6 ans. Lorsqu’elle se trouve dans un centre médio-social, on y trouve des consultations pédiatriques, des consultations avec une puéricultrice, ou une infirmière, des consultations avec un psychologue et des rendez-vous avec une assistante sociale sont possibles.
Les associations de jeunes parents (souvent mamans) sont une grande source de soutien ainsi que les différentes initiatives de parents comme les cafés-poussette, les LAPE (lieux d’accueil parent-enfants), etc.
Je pense aussi à la leche league, un super site de resources concernant l’allaitement. Il y a aussi seinbiose, centrée sur l’allaitement, mais aussi sur le vivre avec bébé, le maternage, la diversification, etc. (uniquement pour le pays de Montbéliard-Belfort-Hériourt).
Ce sont des endroits où les jeunes mères peuvent se retrouver, échanger, et se soutenir mutuellement dans leur maternage. Ce sont des aides inégalées aux fonctions parentales et qui aident donc au vécu positif d’être mère.
4. Pourquoi est-il important de s’informer sur le post-partum avant d’accoucher?
La maternité est faite d’imprévus. Se renseigner aide à dédramatiser les ressentis, les situations déstabilisantes et inquiétantes.
Cela aide à se préparer psychologiquement en appréhendant son rôle de parents et en se projetant avec bébé. Le vécu positif de la maternité, n’en sera que facilité. Des imprévus il y en aura bien assez.
Merci beaucoup Lydie, pour tes éclairages et tes conseils.
Me concernant, j’ai vraiment envie d’insister sur le fait qu’il est important d’être entouré. Pas forcément pour les soins apportés au bébé si tout va bien psychologiquement, mais dans tout le reste! Tâches ménagères, repas, courses etc. Demander de l’aide c’est aussi permettre à d’autres personnes d’être utiles et cela peut aussi être un temps privilégié pour des échanges inter-générationels. (Bon par contre, on évite les non-échanges se résumant à une série de critiques non constructives).
Enfin, attention à la comparaison avec toutes les autres mamans que l’on connait ou toutes les mamans “parfaites” qui défilent sur les réseaux. Le post partum c’est le temps de la découverte. C’est une période de vulnérabilité qui peut te faire grandir en humilité.
Et toi? Comment est-ce que tu as vécu le post-partum? Tu dirais que ça a duré combien de temps pour toi? Dis moi tout en commentaire